lundi 7 septembre 2009

• Tout est Conscience - Wayne Liquorman

UN

Lorsque advient une étincelle de Compréhension
Vous avez le cancer.

Cela va croître…

N’ayant de cesse que se substituer à vous

Jusqu'à ce que vous disparaissiez.


Ram Tzu




L’ENSEIGNEMENT

Avant de devenir un enseignant de l’Advaita, j’ai passé la plus grande partie de ma vie adulte comme homme d’affaire. Mon gourou, Ramesh S. Balsekar, est un banquier. Il a passé toute sa vie professionnelle à la Bank of India et finalement a pris sa retraite alors qu’il en était le président. Et je trouve plaisamment ironique qu’il ne m’ai rien laissé à vous vendre : aucunes techniques, aucune stratégies, pas de directives, aucunes promesses stipulant que si vous faites scrupuleusement ce que je vous dit, vous obtiendrez ce que vous cherchez. Ce qu’il m’a donné, ce sont ces simples indicateurs, pointant en direction de « ce qui est » et je vous en fais ici présent.
Dans le processus décrit dans ces pages — et il s’agit d’un processus très basique – l’accent est toujours mis sur l’examen et l’observation de ce qui fonctionne véritablement en ce monde. La plupart des gens ont le sentiment qu’ils sont auteurs de leur existence. Presque tous sont persuadés qu’ils sont responsables de la création de leurs pensées, de leurs sentiments et de leurs actions. Une sincère remise en question de cette assomption fondamentale débouche souvent sur une profonde révélation.

Je vous prie de garder à l’esprit qu’ici il n’est pas de doctrine, rien que vous deviez apprendre ou croire. Il s’agit d’un processus de questionnement, d’investigation et de découverte par vous-même. L’aperception qui pourrait en résulter n’est même pas quelque chose de quantifiable. Si elle l’était, je pourrais simplement vous dire ce que c’est, et vous pourriez vous emparer de ce savoir « quantifiable » et en faire l’apprentissage. Malheureusement, ce n’est pas possible.
Le processus de cet examen consiste à sonder en profondeur ce qui véritablement est à l’œuvre, à se pencher sur la nature de la force animatrice de toutes choses, y compris de ce composite corps/esprit humain que vous vous considérez être. L’Enseignement vous invite à demander : « De quoi est composée cette chose ? Quelle est-elle véritablement ? » La beauté de l’Enseignement, c’est qu’il ne vous fournit pas la réponse. Il n’y a pas de doctrine affirmant : « Ce que vous êtes vraiment est (remplissez le blanc) ». Cela dit, il y a des indices dans l’Enseignement. Ils sont comme autant de poteaux indicateurs conceptuels. On peut rencontrer des affirmations telles que : « Ce que nous sommes véritablement est Conscience. Ce que nous sommes véritablement est Dieu, ce que nous sommes véritablement est la Source. » ces énoncés vous orientent dans une direction à explorer par vous-même. Même des affirmations de l’Enseignement aussi fondamentales ne sont pas la vérité, elles ne sont pas à prendre comme une vérité à priori, mais doivent au contraire être soumise à un examen approfondit.
Il y avait un merveilleux enseignant spirituel, décédé il y a une vingtaine d’années, du nom de Wei Wu Wei. Un nom de plume Chinois occultant ses véritables origines d’aristocrate irlandais. Il utilisait un terme que j’aime beaucoup : « aperception ». L’indicateur dans ce terme était la suggestion de l’existence d’une perception sans « percevant », d’un connaître sans « connaissant ». Cette aperception dont il parlait est un savoir au-delà de l’organisme, un savoir Total. Il ne s’agit pas d’une perception relative. Les Écritures chrétiennes en parlent comme de « la paix qui surpasse toute compréhension. » À l’instant où vous la comprenez, elle n’est plus la paix qui surpasse toute compréhension, elle est maintenant la paix que vous comprenez. Nous parlons d’une paix qui surpasse tout savoir relatif, une paix qui peut donc coexister avec tout ce qui se produit dans le monde manifesté. Vous continuez à répondre aux choses. Vous pouvez continuer à éprouver attirance et répulsion, à avoir des préférences sur la façon dont vous opèreriez s’il vous incombait de mener le jeu. Mais la paix sous-jacente est, en fait, la reconnaissance que vous ne menez pas le jeu. Tout ce qui existe en cet instant même est le fonctionnement parfait de l’Univers, il ne s’agit pas plus d’une quelconque action ou erreur de votre part, que d’une faute de l’Univers.
De toutes les nombreuses idées bizarres qui traînent dans la spiritualité moderne, celle qui me séduit le moins est probablement la notion que vous vous attirez les complications que vous endurez. La suggestion est que lorsque la compréhension s’élargit et devient plus présente, la maladie, par exemple, ne se présente plus, ou si elle se présente encore elle est considérée comme négligeable. Il nous est dit que tout ce que nous avons à faire est de « lâcher prise » ou de « voir clair» et que tout s’arrangera. Ce qui implique que si vous êtes malade, vous êtes un idiot. Vous êtes non seulement malade, mais vous êtes spirituellement tordu par-dessus le marché, - une notion véritablement horrible.
Ce vers quoi pointe — pointe — cet Enseignement de non-dualité est que la vie et la mort, la santé et la maladie sont des choses qui arrivent. Elles vont et viennent en tant que partie de ce miraculeux mouvement de l’univers, elles font part du tissu de l’existence manifestée. Des corps sont créés à travers lesquels (ce que nous nommons) la santé et la maladie surviennent. Dans l’acceptation de la réalité sous-jacente que tout cela fait partie d’un fonctionnement parfait, votre résistance à ce qui est s’amenuise et la souffrance relative à ce qui se produit diminue. Vous avez toujours les mêmes choses à affronter. Vous devez toujours résoudre les problèmes de votre vie. Cependant, en l’absence de ce sentiment que ce qui arrive est un vice de l’Univers, il y a plus de force, plus d’énergie, plus de ressources intérieures pour faire face à ce qu’apporte la vie. C’est parfois déplaisant, il arrive même que ce soit terrible, mais ce que nous appelons « souffrance » résulte de la conviction que ce qui arrive ne devrait pas arriver.
L’acceptation dont je parle n’est pas approbation. Elle ne signifie pas qu’il vous est demandé d’aimer ce qui arrive ou de vous retenir de faire quelque chose pour le modifier. L’acceptation est que cela existe, tel que c’est maintenant, en tant que part d’un fonctionnement plus vaste et que le retour à la santé, par exemple, devrait-il se produire, existe également en tant que partie de ce fonctionnement plus vaste. Des changements ont donc lieu. C’est la trame même de la manifestation : la santé se meut en maladie, la maladie se meut en santé ; il y a mouvement continuel. C’est le flux et le reflux de l’Univers. Nous pouvons nourrir une préférence pour une situation plutôt qu’une autre, mais quand l’une est considérée a contrario comme la seule qui devrait exister, la souffrance est alors inévitable.
Lorsque j’ai rencontré mon gourou, Ramesh Balsekar, il insistait sur le fait que la Conscience est tout. Il avançait que nous étions des aspects de Cela. Par conséquent tout ce que nous faisons est en fait une survenue de la Conscience — TOUT. Cela faisait sens pour moi. Colossalement. Je pouvais voir comment cela fonctionnait réellement, et cela expliquait tout ce qui pour moi avait besoin d’être expliqué. C’était très satisfaisant. Tout ce que fait chacun est toujours le fonctionnement de la Conscience. Pas de problème.
Et puis un jour, après l’un de nos entretiens quotidiens avec Ramesh, je suis rentré chez moi. Et mon fils de cinq ans était là en train de faire quelque chose que je lui avais demandé cent fois de ne pas faire. Il était là, occupé à le faire encore une fois ! J’ai commencé à hurler : « Bon sang ! Qu’est-ce que tu as ? Je t’ai dit cent fois de ne pas faire ça ! Bon Dieu, ne m’écoutes-tu donc jamais ? File dans ta chambre ! » Et il trotta jusqu’à sa chambre. Il me connaissait suffisamment bien pour ne pas être trop retourné par mes tirades. Mais je me suis retrouvé avec ce terrible sentiment : « Mon Dieu, je viens de passer tout ce temps avec un Maître qui m’a ouvert les secrets de l’existence. Je le vois, je le crois et je sais que c’est vrai. Je sais au plus profond de mes tripes que ce que faisait Justin était l’oeuvre de la Source, là devant moi. Et ma réponse à cela a été de le punir et de renforcer en lui cette notion que c’est lui qui le faisait, qu’il en était responsable. » Je me dégoûtais complètement.
Le jour suivant, de retour aux entretiens – Ramesh parlait alors tous les jours dans une maison de Hollywood Hills — je lui confessais ma défaillance Advaitique. « Ramesh, je me sens horriblement mal. Hier, je suis rentré à la maison et j’ai complètement, totalement, oublié votre enseignement. Tout est passé par-dessus bord à l’instant où je me suis trouvé confronté au fait que mon fils était en train de faire quelque chose que je n’aimais pas. Je lui ai crié dessus et ai complètement oublié que ses actes étaient le fonctionnement de la Totalité, pas ses propres actions égotistes. » Et Ramesh me regarda avec cette étonnante expression de compassion – il me plait d’y voir de la compassion plutôt que de la pitié — et me dit : « Wayne, vos vitupérations contre votre fils faisaient partie du fonctionnement de la même Totalité. Votre réaction faisait partie de la même matrice d’existence, voyez-vous. Vous vous laissez en-dehors. » Et nous le faisons, inévitablement ; c’est l’hypnose divine. Même lorsque nous adhérons à l’ensemble de la proposition, même lorsque nous affirmons : « Oui, je le vois. J’en suis convaincu. C’est vrai. C’est là. » l’instant suivant, lorsque l’ego se proclame auteur de tout, nous allons nous considérer responsable et éprouverons culpabilité ou orgueil.
Parfois l’Enseignement émerge et tord le cou à ce sentiment d’implication personnelle ; la reconnaissance que tout, véritablement, est le fonctionnement de la Totalité, se fait jour et coupe pour de bon cette implication par ce « moi ». C’est là la fin de la souffrance, car la souffrance est cette implication. Les gens pensent souvent que la réponse négative est la souffrance, mais ce n’est pas le cas ; il s’agit d’une simple réponse de l’organisme. L’action dans le moment est simplement dans le moment. La souffrance survient quand actions et réactions sont étendues dans le temps, projetées hors de ce qui est dans l’instant. La souffrance, c’est la pensée « Je n’aurais pas dû » et toutes les projections subséquentes sur ce que cela va signifier pour MOI et sur comment cela va m’affecter MOI.
Bien évidemment, même cette « souffrance » est divine. Vous n’êtes pas la source de ces pensées. Elles surviennent à travers l’organisme corps/mental auquel il est communément fait référence en tant que « vous ». Au sein de la magnifique tapisserie de l’existence, tout est absolument parfait. Lorsque (et si) la souffrance prend fin, ce ne sera pas de « votre » fait. Rien n’est « votre » fait. N’est-ce pas merveilleux ?


CET ADVAITA

Cet Advaita, tel que je le conçois, n’est pas en fait une philosophie, car il ne comporte aucun dogme. Il s’agit simplement d’un ensemble d’indicateurs et de concepts, et il postule qu’aucun d’entre eux ne sont vrais au sens absolu. Le propos de cet Enseignement n’est pas de véhiculer la vérité. Il a pour objet d’extirper visions restreintes et conceptions erronées sur la nature des choses. En cela il s’agit plus d’un processus que d’un corpus de vérités. Ses énoncés sont autant d’outils à la disposition du chercheur.
L’outil premier est que tout est Conscience ; tout est Un. Ou pour être plus précis « pas deux », comme l’indique la traduction littérale du terme Advaita. C’est l’indicateur essentiel. Ce n’est pas une vérité. Et un indicateur est à utiliser pour voir ce qui est effectivement opérant ; pour regarder en soi et découvrir sa nature propre. C’est un processus, qui lorsqu’il survient, est compris comme faisant partie du flot naturel de la vie.
L’Enseignement tel qu’il se produit en cet instant a son effet. S’il y a présence d’un « moi » -auteur, il clamera : « Regardez ce que j’ai fait. J’ai pensé, j’ai réalisé, j’ai vu et j’ai été très attentif aujourd’hui, et par conséquent j’en ai retiré ces bénéfices et ces résultats. » Or la compréhension est que c’est l’Enseignement qui s’empare de vous et non le contraire.
C’est lui qui a un impact sur vous par sa propre puissance.
Le rôle du sage est de mettre à bas toute la structure spirituelle conceptuelle. Pour citer Hafiz, son rôle est « de faire disparaître ces jouets qui n’apportent aucune joie. » Si vous voyiez un bambin de deux ans avec une lame effilée entre les mains et que vous la lui enleviez, il va hurler. En ce qui le concerne vous venez de lui faire grand tord. « C’était MON jouet. Je m’amusais bien avec. » Votre intervention prévenant qu’il ne se blesse est un acte de compassion. Néanmoins, l’enfant ne le voit pas comme ça.
Ainsi, souvent, l’action du sage n’est pas vue comme un acte de compassion. Si j’avais à définir la compassion, je dirais que la compassion du sage est acceptation totale, ce qui signifie que vous êtes accepté totalement tel que vous êtes dans le moment. Le sage accepte le disciple absolument tel qu’il est. Cette acceptation est une qualité sous-jacente à toute action provenant du sage. L’action peut être d’ôter les jouets, de pousser le disciple dans des zones où il n’est pas confortable ou de poser des questions difficiles et de ne pas le laisser les pousser sous le tapis. Alors, le disciple s’en retourne malheureux. « Comment cela peut-il être de la compassion ? Je suis malheureux. Il n’a pas été gentil et doux avec moi. Je me sens plus mal maintenant que lorsque je partais le rencontrer. » C’est de la compassion pour une raison : il n’est aucun intérêt, aucun dessein personnel chez le sage. Le moindre de ses actes est empreint de compassion car il n’est pas de « moi » désirant retirer pour lui-même quelque chose de l’action. C’est véritablement la grâce du sage.

Extrait d'un livre à paraître aux Éditions Aluna

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