mardi 10 juin 2008

• Chaque instant est éveil

Chaque instant est éveil


La semaine méditative d'une sesshin zen était toujours pour moi très intense. Je ressentais un profond relâchement émotionnel et des souvenirs puissants s'élevaient comme si je me trouvais dans un processus de naissance : fortes douleurs et catharsis physiques qui se prolongeaient des semaines durant lorsque je rentrais chez moi.

Cette sesshin débuta de la manière habituelle : les premiers jours, je me débattis avec de puissantes émotions et le jaillissement des énergies qui déferlaient à travers mon corps. A chaque fois que je voyais le maître, il était assis, là, comme un roc. Sa présence me stabilisait tel un gouvernail au milieu de flots sombres et tumultueux. J'avais l'impression que j'allais mourir ou exploser et lui me poussait à plonger dans mon koan, à laisser mon être s'y abandonner totalement. Je n'aurais su dire où commençait et où s'achevait ma vie.

Puis une douceur étonnante commença à filtrer. Derrière la fenêtre, je vis trois jeunes arbres, des bouleaux qui étaient comme ma famille. Je me sentis aller caresser leur écorce lisse et je devins l'arbre touchant ma propre personne. Ma méditation s'emplit alors de lumière.

J'avais déjà expérimenté la félicité auparavant - durant certaines retraites, de grandes vagues de bonheur lorsque mes douleurs physiques se dénouaient - mais celle-ci était d'un autre ordre. Toute lutte cessa et mon esprit devint lumineux, rayonnant, aussi vaste que le ciel, empli du plus exquis parfum de liberté et d'éveil. Je me sentais tel le Bouddha, assis sans effort, heure après heure, soutenu e tprotégé par l'univers entier. Je vivais dans un monde de paix infinie et de joie indicible.

Les grandes vérités de la vie étaient tellement claires : la manière dont la saisie cause la souffrance, le fait que, menés par cette étroite idée de nous-mêmes, cet ego fictif, nous nous agitons dans tous les sens comme de petits propriétaires se querellant pour un rien. Je pleurai sur toutes nos peines inutiles. Puis durant des heures, je ne cessai de sourire et de rire. Je vis à quel point tout est parfait et comment chaque instant est éveil, pour peu qu'on s'ouvre à lui.

Je restai ainsi, pendant des jours, dans cette paix complète et intemporelle. Mon corps flottait, mon esprit était vide. Quand je me réveillais, des vagues d'amour et une énergie joyeuse coulaient à travers ma conscience. Puis les prises de conscience et les révélations se succédèrent. Je vis comment le flot de la vie se déroule en une trame que nous modelons selon le courant de notre karma. Je vis toute idée de renoncement spirituel comme une sorte de jeu consistant à vouloir contraindre notre être à abandonner la vie ordinaire et les plaisirs. En fait, le nirvana est ouvert, tellement ouvert, joyeux, tellement joyeux, tellement au-delà de tous ces petits plaisirs auxquels nous nous accrochons. Vous ne renoncez pas au monde, vous recevez le monde.

Extraits de Après l'extase, la lessive - Jack Kornfield
Éditions de La Table Ronde

1 commentaire:

KT a dit…

Sans ce fameux "nous-meme", ce "moije", en anglais "I myself", qui pourrait s'ecrire "Aie! myself" (Aie! comme quand on a mal), tout est si limpide, si clair...

Dans le Silence...
KT