lundi 28 avril 2008

• Un rude éveil !

Un rude éveil !

Neten Chöling Rinpoche III


Un éveil soudain est une illumination dont il est parlé dans les enseignements tantriques de la voie rapide, le Vajrayâna, ainsi que dans le bouddhsisme Zen. Un authentique maître illuminé peut "allumer" la nature essentielle d'un disciple mûr, comme un tailleur de diamant expert peut taper avec un ciseau au défaut précis d'un gemme aux facettes multiples, faisant en sorte que tout soit soudain, de façon presque inexplicable, révélé. Souvent, les maîtres agissent de façon étonnante, pour ébranler les disciples, au-delà de leurs pensées quotidiennes, et les éveiller à la réalité intérieure la plus profonde.
Les trouveurs de trésor (tertons) sont des mystiques dont les visions spirituelles sont des révélations des enseignements tantriques, qui ont été cachés voilà plusieurs siècles.


Reconnu comme l'incarnation du trouvent de trésor Chögyur Lingpa, Neten Chöling Rinpoche s'échappa du Tibet en 1959. Il passa ses dernières dans l'Himachal Pradesh (Inde du Nord), où il mourut, après avoir fondé le Monastère de Chöling, à Bir.

Dans sa jeunesse, Neten Chöling fut un étudiant précoce, comme beaucoup de jeunes lamas incarnés (tulkus). Il devint excessivement fier de son savoir et de son intelligence. A cette époque, il étudiait et pratiquait sous la direction de l'un des plus grands lamas du Tibet oriental, Jamyang Khyentse Rinpoche, appelé aussi Chökyi Lodro.

Plein d'un orgueil juvénile, Neten Chöling décida d'aller à Lhassa, à de nombreux jours de cheval, pour avoir des controverses avec les geshé (docteurs) et les dialecticiens Gelugpa. Il leur en remontrerait à coup sûr !

Il fit les préparatifs pour ce long voyage. Son maître, Jamyang Khyentse, quand son disciple lui demanda, de façon formelle, sa permission et sa bénédiction pour son départ, lui dit : "Il est bien de partir, mais attends un peu."

Quelques jours plus tard, Jamyang Khyense octroya une importante transmission de pouvoir dans le cadre du Vajrayana. Il se trouva que ce jour-là, Chöling Tulku souffrait de très douloureuses crampes à l'estomac. Quand le distingué Khyentse Rinpoche, au chef blanchi, marcha, avec sa dignité coutumière, le long de la rangée de lamas et d'incarnés importants, il plaça le vase sacré d'initiation en or directement sur la tête de Chöling, en signe de bénédiction... Puis, à l'étonnement général, il envoya un coup de pied dans le ventre du jeune tulku.
Chöling avait tant de gaz dans son estomac terriblement bouleversé, qu'il émit une flatulence forte et magnifique - chose qu'il ne convient guère de faire dans un temple, bien moins encore en compagnie spirituelle. Il est difficile d'imaginer la honte et l'embarras qu'il dut éprouver.

Khyentse Rinpoche braqua son index sur le visage rougi du jeune tulku, et cria : "C'est ça !"

Parce que son mental fut, pour un instant, totalement dépouillé des fabrications conceptuelles, Neten Chöling s'éveilla d'une existence illusionnée, semblable à un rêve, dualiste, et reconnut la nature fondamentale.

Chöling Rinpoche lui-même raconta cette histoire, ajoutant que depuis lors, il n'avait jamais perdu cette profonde réalisation. Il ne fit pas non plus le voyage pour Lhassa, afin de participer à des joutes oratoires publiques ; il n'avait plus besoin de prouver quoi que ce fût à personne.

Extraits de Contes Tibétains - Surya Das - Le Courrier du Livre

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