mercredi 5 mars 2008

• Vous embrassez tout le cosmos

Vous embrassez tout le cosmos


A mon premier dokusan, Harada-roshi a dessiné un cercle avec un point au centre et m'a dit :

- Ce point, c'est vous, et le cercle est le cosmos. En fait vous embrassez tout le cosmos, mais du fait que vous vous considérez comme ce point, un fragment isolé, vous ne sentez pas que l'univers est inséparable de vous. Vous devez sortir de votre emprisonnement par vous-même, oublier la philosophie et tout le reste, fixer votre esprit sur votre hara et ne penser qu'à Mu*. Le centre de l'univers est le creux de votre ventre ! Mu est une épée qui vous permet de vous ouvrir une voie, à travers vos pensées, jusqu'au royaume qui est la source de toutes les pensées et de tous les sentiments. Mais Mu n'est pas seulement un moyen d'atteindre l'illumination, il est l'illumination elle-même. L'Eveil n'est pas le résultat d'une avance progressive, pas à pas, mais d'un saut. Vous ne pourrez faire ce saut tant que votre esprit ne sera pas pur.

- Qu'entendez-vous par « pur » ?

- Vide de toute pensée.

- Pourquoi faut-il lutter pour atteindre l'illumination si nous possédons déjà la nature-de-bouddha ?

- Pouvez-vous me montrer cette nature illuminée qui est en vous ?

- Non, bien sûr, mais les sutras disent que nous la possédons...

- Les sutras ne sont pas votre expérience personnelle mais celle du Bouddha Çakyamuni. Si vous découvrez votre esprit-de-bouddha, vous serez vous-même un bouddha.

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Au dokusan, Yasutani-roshi m'a dit :

- Pour atteindre l'illumination, vous devez avoir une foi profonde. Vous devez profondément croire ce que le Bouddha et les patriarches, se basant sur leur expérience personnelle, ont dit être vrai, à savoir que tout, vous compris, porte en soi la nature-de-bouddha et que cette nature est complète et parfaite, tel un cercle auquel on ne peut rien ajouter ni soustraire. Pourquoi, me direz vous, si nous portons en nous cette nature-de-bouddha, n'en avons nous pas conscience ? Pourquoi, si tout est par essence Sagesse et Pureté, y a-t-il tant d'ignorance et de souffrance dans le monde ?... Voilà le grand doute dont il faut avoir raison. C'est seulement si vous croyez profondément que le Bouddha n'était ni un sot ni un menteur lorsqu'il affirmait que nous sommes tous, dès l'origine, Complets et Parfaits que vous pourrez inlassablement chercher dans votre coeur et dans votre esprit la solution de ce paradoxe...

- Voici ce qui me rend le plus perplexe : pourquoi n'ai-je pas atteint le satori après trois ans d'efforts acharnés, alors que d'autres l'ont fait sans le chercher aussi longuement et sans s'appliquer autant ? J'en ai connu qui ont connu le kensho au cours de leur première sesshin, sans zazen préalable ou presque.

- Il y a quelques très rares êtres dont l'esprit est si pur qu'ils atteignent l'illumination authentique sans zazen. Eno, le sixième patriarche, en était un : il a été illuminé en entendant pour la première fois réciter le sutra de Diamant. Et Harada-roshi a rapporté le cas d'une jeune fille qui a connu l'illumination pendant ses causeries introductives, lorsqu'il a dessiné un cercle et proclamé l'Unité indivisible du cosmos... Mais la plupart doivent pratiquer inlassablement le zazen pour atteindre l'illumination. Cela dit, ne soyez pas anxieux à ce sujet, car une telle anxiété peut être un obstacle réel. Lorsque vous entrez dans le monde de l'illumination, vous y apportez avec vous, en quelque sorte, le fruit de tous vos efforts, et c'est ce qui détermine la qualité du satori. En conséquence, la profondeur de votre satori sera proportionnée à la qualité de votre zazen. Dans la plupart des cas, un kensho rapidement atteint est superficiel. Livrez-vous au zazen avec zèle et le satori viendra de lui-même...

Extrait de Les trois piliers du Zen, Éditions Stock

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