mercredi 22 août 2007

• Soudain les portes de la perception se sont ouvertes - Andrew Cohen & Ajja

Vu sur le site d'Andrew Cohen

Soudain les portes de la perception se sont ouvertes
- Rencontre avec l'absolu -

Andrew Cohen

Ajja : D'abord, nous devons nous présenter, ainsi il y aura compréhension et harmonie mutuelles. Ensuite, notre conversation pourra commencer. Alors seulement, cette conversation s'avèrera utile. Sinon, les mots resteront simplement des mots. L'autre jour, quand nous nous sommes rencontrés, vous avez décrit votre expérience d’éveil, mais les autres ici ne l'ont pas entendue, aussi pourriez-vous la décrire encore s'il vous plaît ?

Andrew Cohen : J'avais seize ans.

Ajja : Qui avait seize ans ?

AC : L'individu, le jeune homme, qui était convaincu qu’il y avait un problème, que quelque chose n’allait pas.

Ajja : Vous pouvez continuer.

AC: Soudain les portes de la perception se sont ouvertes. C'était comme si les murs de la pièce avaient disparu, et soudain il y avait un espace infini. Et cet espace infini était rempli d’énergie. Et cette énergie était consciente ; elle était consciente d’elle-même.

Ajja : Et ce que vous êtes maintenant – est-ce cette conscience elle-même ?

AC : Oui.

Ajja : Donc, ce n'est pas ce corps auquel vous vous référez par "je". La conscience que vous avez expérimentée à ce moment là, était-ce ce "je" que vous ressentez maintenant aussi ?

AC : Oui. C'est le même.

Ajja : Ce n'est pas ce corps ?

AC : Il n'y a qu'un seul "je".

Ajja : Et que s’est-il passé après ?

AC : Ce qui s’est passé ensuite, c'est que j'ai réalisé que cette énergie qui était consciente d'elle-même était intelligente, et que sa nature était amour. Un amour insoutenable. Un amour qui vous brûle. Et il est devenu également évident que tout ce qui existait dans l'univers manifesté était de la même substance, de cette conscience. Et en cela, il m’est apparu que chaque point de l'espace était exactement le même point que tous les autres. Par exemple, maintenant nous sommes ici dans cette pièce. Nous venons d'arriver de Prashanti. Auparavant, j'étais en Europe. Avant, j'étais en Amérique. Bien que tous ces lieux paraissent différents, ce que j'ai réalisé à ce moment était que tous les lieux où je pouvais être étaient le même point, littéralement et réellement. Il y avait aussi des larmes, mais je ne pleurais pas. Et ma gorge n'arrêtait pas de s'ouvrir et de se fermer. Puis cette expérience s'est estompée. Mais, six ans plus tard, à 22 ans, je me suis mis à rechercher cette expérience, car même si elle me paraissait maintenant très loin de moi, je savais qu’elle avait été l’expérience la plus réelle de ma vie. J’ai commencé à faire des sadhanas [pratiques spirituelles], j'ai eu diverses expériences et j'ai suivi beaucoup d’enseignants différents. Puis finalement, quand j'ai rencontré mon dernier enseignant, je lui en ai parlé. Au cours des années, j'avais parlé à de nombreuses personnes de cette expérience et elles n'ont jamais su quoi dire, mais quand je la lui ai racontée, il m’a dit : "A cet instant-là, tu as fait l'expérience de tout." Quand il a dit cela, l’expérience a commencé à revenir. J’ai alors éprouvé cet amour débordant, cette chaleur et cette brûlure pendant plusieurs semaines. Après ces événements, je me suis vu en train de parler spontanément de l'Absolu. Je ne pouvais pas m'en empêcher ; je commençais à en parler, et aussitôt cela remplissait la pièce. Et mon corps s’emplissait de béatitude, et d'autres personnes ressentaient la béatitude, et étaient attirés dans cette expérience.

Ajja : Quel est votre état maintenant ?

AC : C'est mon expérience encore maintenant. Cela se produit quand j'enseigne, quand je parle de l'Absolu. Alors cette expérience vient, et quand j'arrête d'en parler, je reviens dans un état plus ordinaire. Mais la différence maintenant est que je n'ai aucun doute – la préoccupation de soi et le doute sont partis – et cet amour que j'ai rencontré à cet instant est toute ma vie.

Ajja : Au début, le "je" était un "je" limité. Plus tard, il a commencé à se dilater, et puis vous avez atteint un état où il n'y a ni temps ni espace, au-delà même des émotions. En cela, "tu" et "je" deviennent un — le Divin suprême. Nous ne faisons qu’utiliser le mot "je". Quoi qu'il y ait dans ce corps, nous l’appelons “je“, pour le simple besoin de désigner. Nous disons que c'est "moi", mais je ne suis rien. Je ne suis pas le corps. Je ne suis même pas une force. Ce qui existe réellement est Cela dont la nature est lumière : sa nature est satya [réalité ultime]. C'est la vérité, c'est la béatitude, c'est la paix, et c'est cela l'existence réelle. Qui est cette énergie, cette force ? Quelle est la source de cela ? Qui suis-je ? Quelle est ma source ? Je suis cette énergie. Je suis cette force qui est ma source. Aussi quand je pars à la recherche de la source de ce "je", j'atteins cette illumination de soi. Alors cette force, qui existe dans ce corps, qui réside dans ce corps, surgit aussi de cette illumination de soi. Et elle a toutes les qualités et la nature de Cela même. Donc, quand je reconnais ce fait, je commence à évoluer. Ce "je" commence à évoluer pour devenir Cela lui-même. C'est sa nature. L'expansion totale est sa nature. Donc, quel est ce "je" que nous appelions "je" ? Ce corps n'est pas "je". Celui qui réside dans ce corps est le vrai je. Cette puissance, cette shakti, est je. Quand on entre dans cet état d'illumination de soi et qu'on le reconnaît comme sa propre nature véritable, on découvre aussi qu'il nous a légué ses qualités d'illumination, expansion, compassion. Le moi individuel est devenu un avec Cela. D’où vient tout ce qu’il voit autour de lui ? Il est évident que cela vient toujours de l'intérieur ; à chaque instant, il semble simplement surgir de l'intérieur. Pour une âme réalisée, c'est ainsi que le monde entier apparaît. Tout est sorti de ce "je". Comment viennent les plus importantes réponses ? Ce n'est pas comme si elles étaient écrites quelque part. Ces réponses surgissent, c’est tout. Pas du moi individuel, mais de cet état. Donc il n'y a pas de moi ! Cela surgit spontanément. Aussi pour l'âme individuelle qui aspire à être totalement libre, quel est le chemin le plus direct et le plus facile pour se libérer du cycle de la naissance et de la mort ? La réponse à cette question viendra lorsque l'esprit sera totalement silencieux. C’est pourquoi ce n'est pas ce que je dis qui est important. Nous devons obtenir ces réponses par nous-mêmes, et cela, nous ne pouvons le faire qu’en faisant le silence dans notre esprit. Chacun d'entre nous a la capacité d'obtenir ces réponses, car toute question trouve une réponse dans le silence. Quand l’esprit a atteint un état d'immobilité, la réponse vient. Cela n'arrivera pas en un jour ou deux, mais il est certain que nous obtiendrons la réponse dans le silence.

AC : Je comprends que lorsque l'esprit est silencieux, il n'y a pas de problème et par conséquent aucun besoin de trouver une solution. Cependant, j'ai quelques questions que j'aimerais vous poser de toutes façons, pour les nombreuses personnes qui liront cet entretien.

Ajja : Quelle que soit votre question, la réponse qui sort d'ici est : "faites silence dans votre esprit". Vous devez d'abord concentrer l’esprit sur lui-même. Si, après cela, vous avez toujours besoin d'une réponse parfaite, ma vie elle-même est la réponse. En voyant mon action, vous pouvez comprendre, vous pouvez réaliser Cela. Voilà mon message. Voilà ma réponse.

AC : Puis-je vous poser une question tout de même ? C’est une bonne question.

Ajja : Si je réponds quelque chose, cela devra être utile. Ce qui importe c’est l’action. Lorsque le message sera donné, le mettront-ils en pratique ?

AC : C’est ce que je voulais vous demander. Quelle est la relation entre la non-existence et l’action dans l’espace et le temps ?

Ajja : L’homme perd son existence à travers la connaissance et l’action. A travers elles, il devient libre. Alors il est lui-même un jivan mukta [personne libérée]. Mais quand ce “je“ est parti, que restet-il ? Où alors est la question ?

AC : Bien qu’il soit libre, le jnani [individu ayant réalisé le Soi], le jivan mukta, ne continue-t-il pas à exprimer quelque chose à travers ses actions ?

Ajja : Je n’ai pas la conscience que « je suis un jnani » ou « je suis un jivan mukta ». Je n’ai rien. Quand le “je“ est parti, la conscience n’évoque même pas le sentiment du “je“. C’est complètement parti. Donc pour un jnani, cette question ne se pose même pas. Nos pensées sont transformées en contemplation. Alors nos interactions de routine quotidienne deviennent spirituelles. En cela, la routine habituelle elle-même devient une vie spirituelle. C’est cela même la vie d’un yogi. C’est cela même la vie divine.

AC : Il y a un mystère qui me passionne. De rien a surgi quelque chose ; c’est littéralement le début de tout. Chez le jivan mukta, aussi : il n’est rien, il est dans le rien. Et pourtant, de ce rien surgit quelque chose : des mots, des actions, etc. C’est de cela que j’aimerais vous entendre parler .

Ajja : J’ai déjà décrit comment les interactions quotidiennes elles-mêmes peuvent être converties en actions spirituelles. En ayant cet objectif, lorsqu’une âme individuelle s’engage dans des actions et des devoirs quotidiens, ceux-ci la transforme. Ainsi, au fur et à mesure qu’elle avance sur le chemin de l’évolution, par la contemplation de la pensée « Qui suis-je ? » – qui est cette âme individuelle ? – alors, bien que habitant ce corps, elle devient totalement libre du cycle de la naissance et de la mort. Elle devient le Soi lui-même, et le Soi est totale liberté. C’est la liberté réelle. Cette réalisation est l’objectif de la naissance humaine. C’est uniquement pour cela que la naissance humaine a lieu. Quand cet objectif est accompli, notre vie elle-même est accomplie. C’est un état d’où ne surgit plus aucune naissance, une vie libérée de la dualité, et au-delà de la mort. C’est valable partout, dans le monde entier. C’est vrai pour l’humanité toute entière. Quand l’humanité entière comprend cela et le met en action, alors où est la question ?

AC : Alors, il n’y a plus de différence entre la naissance et la mort.

Ajja : Oui. Il ne peut y avoir de mort que s’il y a naissance. Où est la naissance dans tout cela ? Nous pensons : « Je suis ce corps. Tous les objets sensoriels qui sont liés au corps sont miens. » Avec un sentiment aussi limité, quand une personne est impliquée dans l’action, et fait l’expérience des joies et des peines qui résultent de telles actions, elle renaîtra dans ce monde encore et encore. Ainsi ses vies continuent en fonction de ses actions. C’est le secret de la naissance, de la vie et de la mort. Mais lorsque le soi individuel est libéré de la servitude de l’action, et aussi de la servitude de ce corps, alors il devient un avec le Soi suprême, qui est sa nature originelle. Il devient le Soi suprême Lui-même. Lorsque l’individu, par la contemplation de la question « Qui suis-je ? » devient libre du karma, il évolue, il devient le Soi suprême lumineux. Cela est le Soi. Cela est la béatitude. Cela est satya, la réalité ultime. Cela est la Vie. Cela est la réalisation du Soi. Donc la réalisation du Soi est pour le bien du tout. Elle apporte la protection et le bien à tout l’univers. Tel est l’objectif de la vie humaine. Lorsque nous comprenons le secret de cela, nous comprenons la relation entre l’âme individuelle, l’Ame suprême, et l’univers. L’individu fait partie du cosmos. Ce corps, ce “je“ n’est rien qu’un microcosme de cet univers macroscopique. Quand nous comprenons le niveau micro, nous sommes amenés à comprendre le niveau macro. Quiconque cherche ici sera amené à contacter l’ailleurs car cette individualité-ci fait partie de Cela. Et aussi, Cela contient tout. Tous les secrets de Cela, ceci les contient aussi. A travers l’étude de l’individu — ou même de l’atome — la base de tout l’univers peut être comprise. Comment réaliser cette liberté ? C’est uniquement à travers l’action que vient la réalisation. C’est cela jnana, c’est la liberté, c’est moksha. Nous devons comprendre comment, en agissant, nous pouvons atteindre cet état. Quel type d’actions nous aidera à devenir libéré ? Chanter le nom de Dieu, la contemplation, l’abandon, la vérité, la non-violence, l’action désintéressée. Celui qui, durant sa vie, peut traduire la connaissance du Soi en action, celui-là mérite de réaliser l’état de béatitude suprême. Pas seulement çà, il devient la béatitude même. « Qui suis-je ? Quel est le secret de ma vie, de ma naissance ? » Comprendre cela, le réaliser à travers sa quête, alors, même lorsqu’il est engagé dans l’action et le devoir, il atteint sa nature originelle, qui est béatitude. Donc c’est à travers l’action qu’il se transforme.

AC : Quand vous parlez d’action désintéressée, faites-vous spécifiquement référence à la pratique spirituelle ? Ou à une autre forme d’action désintéressée ?

Ajja : Toute action qui est faite comme un devoir sans attente d’un résultat. Toute action, si vous la faites sans attente ni égoïsme, est transformée en devoir. Cela vous conduit à un état où il n’y a pas d’émotions. L’Etre fait, mais la personne ne fait rien. Il n’y a pas la sensation que « je suis en train de faire quelque chose ». Qu’est il arrivé à ce “je“ ? Cette évolution se fait pas à pas. Ça n’arrive pas tout d’un coup. Cela doit passer par différents étapes. Cependant, même le plus élémentaire état de béatitude est la Béatitude elle-même. La nature de la béatitude est Béatitude même. Béatitude est Béatitude. Cette béatitude est la réalité éternelle. Cette béatitude est la Vérité éternelle. Cette béatitude qui est réalité éternelle est béatitude éternelle. C’est la Béatitude suprême. C’est la Béatitude brahmique [absolue]. Et c’est cela Ananda [béatitude spirituelle]. Il n’y a rien là – aucun état. Expérience et mots ne peuvent l’atteindre. La véritable nature du soi individuel est cette béatitude même. Et le chemin le plus facile et le plus court est de demeurer toujours dans cet état sahaja [naturel] qui est notre nature originelle. La question peut surgir : « Où est cette béatitude ? ». Cette béatitude est ici et maintenant, toujours présente. Quand ce jivatma [moi individuel] est abandonné, cette béatitude est là, déjà existante. L’âme individuelle a la contrainte de l’action, mais le Suprême n’a pas cela. Il n’y a même pas de naissance pour le Soi. Donc allons au-delà de ce monde dualiste de l’action, évoluons et atteignons le Paramatma [Soi suprême]. Pour tout cela, la méditation est le point de départ. Au début, il faut se mettre en position de méditation. On a besoin de cette préparation intérieure. On a besoin de se discipliner. Mais ce n’est pas suffisant de seulement s’asseoir. Ce n’est pas seulement le corps qui doit s’asseoir ; l’espritaussi doit s’asseoir. L’esprit ne doit pas vagabonder. A moins que l’espritsoit contrôlé, il n’y a pas méditation. Le vagabondage de l’esprit lui-même est le monde.

AC : Oui. L’esprit est le monde.

Ajja : Donc au début, l’esprit doit devenir immobile. L’esprit vagabonde et cela doit cesser. Par la méditation, l’esprit se tourne vers l’intérieur. Et cela doit arriver non seulement en méditation, mais aussi au sein de l’action. Rien de ce que nous prenons pour réel en ce monde ne l’est vraiment. Quand ce monde devient irréel pour nous, alors la vraie réalité se révèle. C’est le début. En cela, nous réalisons qu’il n’y a pas de mort, qu’il n’y a pas de vie, qu’il y a seulement de l’existence. A un moment ou un autre, nous devrons tous mourir. Mais je ne parle pas de la mort de ce corps. Il y a un autre sorte de mort – une mort de laquelle on ne peut pas renaître. Quand celui qui continuait à revenir pour se réincarner meurt, c’est la mort véritable – comme dans mon cas, où toutes les expériences sont passées. Maintenant, ici dans cet état, il n’y a rien.

AC : Quand vous dites qu’il n’y a rien ici, voulez-vous dire que vous n’avez aucune expérience en cet instant ? Vous semblez exprimer beaucoup.

Ajja : A qui appartient l’expérience ? Des mots sortent, c’est vrai. A travers ce véhicule, une force inconnue agit, une puissance est à l’œuvre, qui utilise ce corps comme un instrument. Ce n’est pas ce corps qui parle. Il y a une puissance qui inspire ce corps, l’intellect, et l’esprit. En chacun de nous, la même chose se produit, mais souvent nous disons « Je suis en train de parler ». Ici, ce n’est pas le cas. Les mots sortent seulement. C’est la différence. Je ne dis pas « Je dis, je parle ».

AC : Dans ma propre expérience, la relation entre cet état de béatitude, dans lequel il n’y a pas de “je“, et l’action parfaite dans le monde du temps et de l’espace apparaît comme très mystérieuse. Aussi ma question persiste, j’aimerais en savoir plus sur la façon dont vous définissez cette relation chez celui qui est réellement établi dans cette conscience béatifique où il n’y a pas de notion de “je“. Comment les actions de cet individu dans le monde expriment-elles la perfection de cette condition ? Quelle est la relation entre cet état et l’expression de l’action parfaite dans le monde des apparences ?

Ajja : Mon niveau d’interaction est totalement différent. Il n’y a pas de relation entre les deux dans mes actions. Quelle est votre compréhension d’une action parfaite dans le monde ?

AC : Une action parfaite représente une action qui provient de l’amour à l’état pur, dans laquelle il n’y a pas de sentiment d’individualité et pas d’intérêt personnel quel qu’il soit. Il n’y pas d’orgueil, pas d’avidité, pas d’égoïsme, pas de conscience particulière de soi-même. Et c’est aussi l’expression d’un amour pur qui n’a pas de notion de séparation aucune. Mais cette action a lieu. Toutes les âmes réalisées expriment cela.

Ajja : C’est difficile à exprimer, à mettre en mots, mais si l’on passe du temps en compagnie d’une personne qui vit dans une telle conscience de béatitude, alors il devient possible de comprendre. Un tel individu ne vous dira rien. Il communiquera seulement dans le silence. Mais par le contact avec lui, la compréhension peut se produire. On ne peut connaître cela que par l’expérience. Qu’est ce que l’amour ? Parlons-nous de l’amour lié aux sens ? Ou est-ce au-delà des sens ? Certaines personnes sont l’incarnation de l’amour, mais la nature de leur amour est au-delà des sens. Nous ne pouvons le voir avec nos yeux. Nous ne pouvons décrire cet amour avec nos mots. Ils sont l’amour incarné. Cet amour n’est pas quelque chose qui peut être affiché. C’est leur nature originelle. Ce n’est pas quelque chose qu’ils expriment seulement. C’est leur nature pour toujours.

AC : C’est ce qu’ils sont.

Ajja : Ils existent dans ce monde, mais ils ne sont pas. Ils sont, et ils ne sont pas. C’est ce qu’est l’illumination de soi. C’est cela l’Atman [le Soi]. C’est cela la Béatitude. C’est cela la Vérité. C’est cela la Vie. Qu’elle vie est-ce ? Ce n’est pas une vie terrestre. C’est une vie au-delà de la dualité et au-delà de la mort.

AC : Donc, c’est dans leur façon d’être qu’est la réponse à la question de la relation entre le rien et le quelque chose.

Ajja : Ces choses sont au-delà de toute description. Nous ne pouvons pas l’expliquer. Nous ne pouvons que le voir et le comprendre. Ce n’est pas parce qu’ils ont quelque chose à dire qu’ils parlent. Ce n’est pas possible de décrire la béatitude. Quand vous êtes dans l’état de béatitude, c’est une expérience, mais il n’y a personne pour en parler. Les mots sortent, mais entre les mots qui sortent et cette réalité ultime, il n’y a pas de relation. L’état réel et les mots qui le décrivent ne sont pas liés. Cela existe seulement en tant que Soi-même. Les mots montrent Cela, ils manifestent Cela, mais ils ne sont pas Cela. L’existence de ce Suprême est indiqué par le mot “je“ seulement pour permettre l’interaction dans le monde – pour le bien du monde, mais pas pour le bien de Cela. Mon expérience est uniquement celle de l’Ame Universelle, qui est énergie, lumière, et puissance — l’Universel suprême lumineux par lui-même. Il est venu pour l’évolution et il a évolué. La lumière Universelle vient pour l’évolution et elle évolue.

AC : La lumière évolue ?

Ajja : La lumière et la puissance sont venues, mais maintenant seule la lumière reste dans la forme évoluée. Il n’y a pas de puissance. Ce qui demeure dans ce corps physique est l’âme, qui n’est rien d’autre que lumière et puissance lumineuses par elles-mêmes. Et au cours de l’évolution, la puissance se dissout, laissant seulement la lumière.

AC : Pourriez-vous répéter cela ?

Ajja : L’habitant de ce corps est une lumière et une puissance universelles. Et dans le processus de l’évolution, la puissance se dissout et la lumière reste. Mais la réalité de cela ne peut pas vraiment être communiquée. C’est seulement par le contact, la proximité avec une âme réalisée que l’on peut le comprendre. C’est l’une de ces questions dont la réponse ne peut être trouvée que dans le silence. Autrement, elle devient un simple discours dont aucun d’entre nous ne tire profit.

AC : Je comprends que les plus importantes réponses ne peuvent être données par des mots, qu’elles ne peuvent être trouvées que par l’individu en silence. Et cependant mon expérience est qu’en posant ce type de questions des choses magiques et extraordinaires arrivent parfois.

Ajja : Même si la vérité sort ou si, comme vous dites, des choses magiques et extraordinaires arrivent, quand les mots sortent, ils ne sont rien d’autre que des mots.

AC : Mais les mots venant d’un jnani ont le pouvoir d’éveiller.

Ajja : Vous parlez de jnani. Mais où sont les jnanis ? Qui est un jnani ? Et qui est celui qui reconnaît le jnani ?

AC : Le jnani et celui qui reconnaît le jnani sont un seul et même être.

Ajja : Est-ce votre expérience ?

AC : Oui.

Ajja : Je ne nie pas cette expérience. Mais un jnani n’aura jamais l’expérience de « je suis un jnani ». Il est simplement ce qu’il est. C’est son état originel. Si un état non naturel arrive, il sera étonné. C’est l’état originel, naturel pour un jnani. Il n’y a que béatitude. Il n’y a personne pour éprouver cette béatitude. La personne qui voit est partie. C’est l’évolution. Donc ce qui est, dans ce cas, est un état qui n’est pas un état. C’est l’état originel de tout individu. Mais on doit être prêt à aller vers cet état originel. En sachant cela, vous savez tout ce qu’il est utile de savoir. Ce qui est venu est une lumière irradiante, douée de lumière. C’est cela la fondation. Il y a des ingénieurs qui construisent le bâtiment, mais nous devons regarder seulement au niveau des fondations, être préoccupés seulement par les fondations. Qui suis-je ? — cette investigation est le fondement. Quand on part à la recherche de Cela, il est possible de trouver une réponse à toutes les questions sur cette terre. Quand vous partez à la recherche de Qui suis-je ? vous atteindrez un état où il n’y a rien. « Je » signifie l’état où il n’y a rien. C’est terminé. Aucune sadhana n’est requise pour cela – seulement la recherche.

AC : La recherche directe.

Ajja : Oui, la recherche directe. Quand le chercheur part en quête de Cela, le chercheur n’est plus. Cet état est Atman, qui est béatitude, qui irradie la lumière, et qui est silence. Jusqu’alors l’ego est là. Ensuite il n’est plus. Il arrive parfois dans la vie qu’une transformation totale aie lieu à la suite de quelque incident. Regardez les biographies de tous les grands saints du sud de l’Inde – Valmiki, Tulsi Das, Ramana Maharshi, J. Krishnamurti. En fonction de leur karma, à cause de petits incidents, ils ont changé. A travers toutes ces histoires, il y a un fil conducteur. Dans mon cas, par exemple, il y a eu une douleur pendant six mois, puis plus de douleur. Alors la contemplation a commencé ; l’inquiétude est devenue contemplation. La non-vérité est devenue vérité. L’ombre est devenue lumière. Comme pour un fruit, quand il est vert, il est amer, quand il devient mûr, il est doux. Mais la douceur était toujours là. L’amertume s’est transformée en douceur. Donc l’inquiétude doit devenir contemplation. C’est pour cette seule raison que nous devons donner de l’importance aux pensées. Nous ne devons pas nous agiter ou nous perdre quand nous avons des inquiétudes ou des problèmes. Nous devons en faire l’expérience. Alors il y a une explosion.

AC : Voulez vous dire que nous devons y faire face complètement ?

Ajja : Oui. Faire l’expérience de cela. Et comment devrait être l’esprit pendant qu’on vit l’expérience ? Pendant ce temps, l’esprit doit être focalisé ; l’esprit doit s’absorber dans la contemplation de cela. Quand l’esprit est fixé sur cela, alors…

AC : Vous voulez dire qu’il ne doit pas y avoir de résistance à l’expérience ?

Ajja : Pas de résistance. De cette façon, ce même esprit qui fait l’expérience de tout le reste se dirige maintenant vers la contemplation. Au-delà de cela, il n’y a pas d’esprit du tout. Donc l’esprit lui-même est à la fois la cause de la servitude et le moyen de la libération. Ce monde n’est rien d’autre que la clameur du mental. Quand le travail du mental est terminé, il n’y a plus de mental. Alors tous les désirs sont partis – les désirs que l’esprit imagine. Tout est imaginé ; tout cela est l’esprit. Donc l’esprit doit se retirer. Tous les désirs doivent partir. Même la présence d’un seul désir, vous empêche de tourner l’esprit vers l’intérieur. L’esprit doit aller dans le cœur et commencer la recherche. «Qui suis-je ? Qui suis-je ? Je suis ici dans ce corps. Qui suis-je ?» Nous devons rechercher de cette façon. Quand nous sommes dans cette recherche, par cela même l’esprit disparaît. Nous avons peur de toucher cet endroit. Mais l’esprit doit être totalement parti. Renoncez-y.

AC : Vous avez dit auparavant que ceci est universellement applicable et vrai pour l’humanité toute entière.

Ajja : Oui, c’est une question pour toute l’humanité. Nous avons besoin de liberté. Personne ne veut être asservi. Tout le monde veut être libre. Mon message pour l’univers tout entier n’est pas qu’un seul doit devenir libre. Les autres aussi doivent devenir libres. Le monde entier doit devenir libre. C’est cela mon message. Quel est le chemin vers la liberté ? Si vous avez une image claire des expériences que j’ai eues au cours de ma vie – les joies et les peines, les triomphes et les misères, les honneurs et les déshonneurs - et comment j’ai réagi à celles-ci, alors cela peut vous aider à trouver votre propre voie. Comment j’ai fait face à ces expériences, comment j’ai avancé dans ma vie, comment j’ai accepté la mort. Comment l’action a eu lieu et comment la transformation est venue. Ma vie entière, une fois comprise, donne une image claire de la voie. Quand nous avons compris toutes ces choses, alors nous devons amener cette compréhension dans notre pratique. Alors nous devenons libres. Si un individu est libéré de cette façon, alors la mission de ma vie est accomplie. C’est pourquoi je fais ces déclarations – pour que cela soit utile au public. C’est pourquoi j’ai accepté cet entretien. Sinon je resterais dans un silence total.

AC : Donc c’est pour le bénéfice de l’humanité.

Ajja : Oui. Ce message est pour l’humanité toute entière. Quand il y a pureté à l’intérieur, l’esprit, le cœur, et l’action sont un. L’esprit et le cœur doivent être purs, et nos actes doivent être de même. Nous devons tous aller au-delà de la pensée vers cet état dans lequel il n’y a aucun obstacle. C’est seulement par cette véritable recherche que l’on devient une âme universelle. Et tout individu a cette capacité. Pas juste un seul. Tout individu a cette capacité de devenir Cela. Le tableau complet, c’ est l’évolution intégrée de l’individu et de cette puissance. Quand nous devenons totalement libre dans nos actions, alors seulement notre naissance est fructueuse. Alors notre vie est réellement accomplie. La liberté est le but. Tout le monde doit devenir libre. Et tous sont venus à la vie seulement dans ce but – cette liberté elle-même est béatitude pour tous, pour tout individu. Chaque individu doit être libéré de la servitude. Si moi seul deviens libre, cela ne me suffit pas pour me rendre heureux. Tout le monde devrait devenir ainsi. Toute âme doit devenir libre. J’ai eu un aperçu de cette possibilité, et si tout le monde était libre, ce serait une véritable béatitude pour moi.

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